Soirée mythique au Gibus

Soirée mythique au Gibus

8 juin 2019 0 Par Erwan Meunier

Gorgon, Chabtan, Nemost, Sekhmet

Trois ans après la création de son festival, de nombreuses soirées Jams organisées chaque mois aux caves Saint-Sabin, et même un concert à Nantes, Sélim Haddriche et son association La Kave nous ont concocté ce soir un line-up plutôt familier, puisque tous les groupes présents ont joué à différentes éditions du Kave Fest, mais qui annonce bien la couleur. Rouge. Ce soir, on part sur un rite sacrificiel.

Originaire du Havre, Sekhmet revisite les terres luteciennes après un dernier passage au MusikÖ_Eye Fest en avril. Et à l’instar du festival, ils ouvriront les hostilités dans une salle moyennement remplie. Ce serait bête de rater ça, car ce soir ils mettons à l’honneur leur nouvel album, Reminiscence, depuis le temps qu’il est en préparation, il est maintenant l’heure de le découvrir. Asterion et Genesis ouvrent le set, et c’est pour moi un gros coup de coeur. C’est énergique, le chant clair de Michaël aux influences presque Power sur les refrains propose un équilibre avec les growls partagés avec Charles, qui gère guitare lead et backing vocals, les soli sont carrés, les mélodies sont accrocheuses…
Du heavy de qualité, quoi ! Clairement, on sent l’amélioration par rapport à leurs premières démos. On enchaîne avec The Machine et Affliction, également tirées du nouvel album, dans un registre un peu plus bourrin mais tout aussi appréciable. On sent que le groupe a pris en maturité, c’est très prometteur pour le reste de l’opus. Quelle ne fut pas ma surprise quand le frontman a invité Raf de T.A.N.K à le rejoindre pour un featuring sur Ashes And Dust ! C’est dommage pour Michaël, mais en même temps un peu drôle de voir Raf et son charisme prendre les devants de la scène, monopolisant l’attention de l’audience… On finit avec toujours autant d’énergie sur Drop Dead de l’EP Pandora (2015), aux sonorités beaucoup plus Heavy traditionnel des années 80, c’est péchu, ça donne envie de bouger, en somme une fin de set très bien reçue par le public, qui n’hésitera pas à se diriger vers le stand de merch.

Le prochain groupe existe depuis près de quinze ans, À la même date, l’an
dernier, se tenait le Warm Up du Kave Fest 2018, auquel participait Nemost, puis après une ouverture pour Acyl et Malemort en octobre, c’est vrai que, depuis, les gars se sont faits plutôt discrets vis à vis de la scène. Globalement, j’en avais gardé un bon souvenir, c’est donc avec impatience que j’attend leur set. Dès l’ouverture avec un nouveau titre, Battlements, un premier larsen, un deuxième… Décidément, depuis quelques semaines j’ai l’impression que c’est quasi-systématique, dans cette salle ! On me dit dans l’oreillette qu’ils n’ont pas pu avoir de balance… Ah, ça explique pourquoi la ride était beaucoup trop présente, ça ne permet malheureusement pas d’apprécier le Death Mélodique du groupe à sa juste valeur. À part une poignée qui headbanguent au premier rang, le public reste majoritairement très timide jusque là, des hochements de tête en rythme ça et là…
On pioche allègrement dans les hits des deux premiers chapitres, comme Sandstorm, The Pale Observer (As The Ocean Burns, 2014) et Sardanapale (The Shadow’s Trail, 2010), les compositions sont efficaces, l’alternance maîtrisée des chants clair et saturé est pertinente et équilibrée, mais c’est sur Pressure Nation que ça commence à se réveiller, ça pogotte sec, on suit même l’invitation d’Arnold à un bon wall of death des familles sur Respawned, autre nouveauté qui clôturera le set. Malgré tous les accros et soucis techniques indépendants de leur volonté, Nemost aura su assurer un show digne de ce nom.
En espérant les revoir dans de meilleures conditions !

Chabtan débarque avec son corpse paint et son univers mythologique méso-américain, original, ça change de la Grèce ou de l’Egypte ! Une flûte en guise d’introduction et des samples de voix graves qui confirment l’attachement du groupe aux sonorités tribales et à la culture de l’Amérique précolombienne. On commence avec The Last Maya King et Never Ending Pain, du dernier album, Nine Levels (2018). Le chant tantôt clair tantôt saturé de Cris se mélange parfaitement aux riffs Death de Dimitri et Erwan, c’est catchy. Le seul bémol, je dirais (autre que les larsens), c’est la batterie légèrement décalée, plusieurs l’auront remarquée. Nous continuons avec The Fall Of Nojpetén, du même album. C’était déjà l’un de mes titres favoris lorsque l’album était sorti, et ce soir, il ne dérogera pas à la règle, c’est d’ailleurs probablement celui qui a eu le plus de succès auprès du public ! Des couplets bourrins, des refrains presque lancinants, et surtout une dynamique forte de la part du quintet. Changeons de registre avec Born Of Vucub Caquix et The Kiss Of Coatlicue, de l’album éponyme. Ça reste très bon, j’accroche juste un peu moins, les titres prennent un penchant soit bien violent, soit complètement mélodique, mais pas un compromis équilibré des deux. Le groupe remettra Nine Levels en avant avec Escaping Seven-Death, encore une belle référence au Panthéon Maya. On gardera un savant mélange de batterie affirmée, de riffs incisifs et de sons traditionnels, et dans l’ensemble on reste sur un combo explosif teinté d’une douce ambiance macabre. Enfin, Jaguars Hunger sera joué pour la deuxième fois en fin de set, pour les besoins du tournage d’un clip, et là, les gens se lâchent. C’est un peu dommage de devoir dire au public qu’il est filmé pour qu’il se bouge vraiment. Vous voulez faire amende honorable pour votre absence de ce soir ? Foncez voir Chabtan au Hellfest !


Nous attendons la tête d’affiche avec impatience pendant que certains reviennent du merch en arborant fièrement les nouveaux t-shirts. Gorgon reprend la route de la tournée en commençant à domicile.

Après une intro instrumentale, le groupe choisit d’ouvrir sur Under A Bleeding Moon, où l’on entend Charles Phily (ancien batteur de Chabtan, d’ailleurs) allonger des tapis de double pédale sans sourciller, ainsi que des samples de voix féminine se mariant parfaitement à une orchestration riche, qu’on entend malheureusement mal depuis la fosse. Tiens, ils ont changé leur maquillage et leurs costumes de scène ! Plus sobres, mais tout aussi efficaces. Ishassara suit naturellement, dans la continuité de la promotion d’Elegy, la deuxième production du groupe sortie en janvier dernier.Ceux qui n’avaient jamais vu Gorgon en live peuvent dorénavant apprécier la puissance vocale de Paul et l’irréprochable technique de chacun des membres, encore plus poussée que sur Titanomachy (2016). En parlant de ça, ça tombe bien, on enchaîne avec Ashes And Blood, Ah, qu’est ce qu’il envoie, ce morceau. Mais pas que ! On y retrouve les orchestrations massives, mais également des sonorités plus folkloriques, comme le bouzouki. Bah oui, quand on traite de mythologie grecque, on ne fait pas les choses à moitié. La dimension épique de leur univers, déjà bien présente, sera d’autant plus palpable sur Into The Abyss et The Plagues, les cris des vautours renforçant l’ambiance planante du morceau, comme plongeant le spectateur dans le désert de Lemnos.

On reprend Titanomachy avec l’incontournable Everlasting Flame Of Olympus, qui avait fait l’objet d’un clip vidéo, avec Prométhée comme personnage principal. Un titre très équilibré, rapide, mais ponctué de passages moins intenses nous laissant reprendre notre souffle, un growl venu des tréfonds du Tartare, et, encore une fois, un solo impeccable de la part de Julien. Nemesis suivra avant de se quitter sur l’ultime titre de la soirée, qui clôture également Elegy, le clou du spectacle, Of Divinity And Flesh. Une épopée grandiose longue de six minutes, une excellente synthèse du meilleur du groupe, avec toujours plus de choeurs et de mélodies prenantes. C’est fâcheux mais le set devra être écourté, nous n’aurons pas droit au magnifique Elysium.

En conclusion, Gorgon aura su en très peu de temps s’affirmer en tant que
groupe phare de la scène française voire européenne. On peut difficilement éviter la comparaison avec Septicflesh ou même Behemoth, avec plus d’énergie sur scène, mais ils ont adopté une identité bien à eux, en restituant leurs diverses influences de manière unique. On sent l’investissement qu’ils font dans chacune de leurs prestations, et même si les conditions de ce soir n’étaient pas optimales, leur cohésion et leur dynamisme sur scène auront rattrapé le coup sans problème. J’espère voir un jour le groupe trouver sa juste place, en tête d’affiche d’un festival d’envergure conséquente.

C’est sur les chaleureux remerciements de Sélim que chacun rentre chez soi, vivant, après avoir échappé aux dieux de la Mort. C’est limite dangereux de nous proposer des affiches de cette qualité, on s’y habituerait presque…
Enfin, si vous en redemandez, vous savez où allez le 6 juillet 2019 !

Oona Inked
26 mai 2019