Majesté, occultisme et loi de Murphy
24 novembre 2024 0 Par Sofie Von KelenDesertfest Last Day Sunday – J’ai de grands projets pour ce troisième jour, mais après 4 mois de boulot non-stop pour cause de création/production/financement de notre dernière BD chez Blouson Noir, je dois revoir mes ambitions à la baisse et me rendre à l’évidence, il faut que je dorme… Exit donc Wolvennest, leur blackened doom et leur frontwoman charismatique ainsi que Morne, poignant excavateur neo sludge venu de Boston capable de retourner les tripes des plus nonchalants.
Les choses sérieuses commencent avec Your Highness, parfaites catharsis pour dimanche vaseux post-burnout. Your Highness est l’exemple typique du groupe qui progresse de manière exponentielle, glissant d’un sludge bluesy au son déjà très personnel vers quelque chose d’un peu plus chaotique avec une touche noisy où chaque break devient un cliffhanger. Et toujours cette émotion brute qui te chope, te retourne et te laisse songeur sans trop savoir si tu dois redéfinir les fondements de ton existence ou juste aller fumer une clope et mettre en veille la zone corticale impliquée dans les prises de décisions…
Your Highness – Above The Odds
Mes vagues souvenirs de leur passage sur Bordeaux à l’Heretic en 2014 n’ayant malheureusement pas survécu à la quantité de picon bière siphonnée ce soir-là, je les avais redécouverts au Desertfest Londres en 2022 sur la minuscule scène du Black Heart qu’ils avaient tout simplement incendiée devant un public essoré qui en avait pourtant vu d’autres.
Et là, le milieu de soirée part en live… Je t’explique : Monster Magnet devait assurer la tête d’affiche, mais Dave Wyndorf étant à peu près aussi en forme qu’un koala sous bêtabloquants, le groupe s’est vu contraint d’annuler la fin de sa tournée. Big up à l’équipe du Desertfest Anvers qui, en quelques jours, réussit à réorganiser le running order en recrutant les très populaires Gnome et en offrant à Stoned Jesus un set XXL de 75 minutes.
Vous suivez ? Jusque-là tout va bien. Sauf que, alors que la spacieuse Desert Stage est chargée à bloc de stonerheads chauds comme la braise dont beaucoup sont coiffés du désormais célèbre bonnet rouge, une annonce est faite : Gnome ne jouera pas, car la femme de l’un des membres est sur le point d’accoucher…. Pagaille et seconde annonce : La bière sera gratuite pendant trente minutes. Je te laisse imaginer, cher lecteur, l’heure qui suivit…
Scorpion Child – Outliers – Desertfest Last Day Sunday
Du coup, lorsque Scorpion Child investit ladite scène deux heures plus tard, la foule n’est malheureusement plus du tout réceptive à leur heavy metal vintage zeppelinien (cependant vraiment solide à défaut de réinventer le genre), leurs looks effrontément sexy et leur jeu de scène millimétré. En ce qui me concerne, j’apprécie réellement, songeant qu’un public tel que celui du Court of Chaos par exemple aurait probablement vu là le parfait corollaire des océans de Pils fraîchement déversés.
Mais nous sommes au Desertfest et la sauce pourtant piquante à souhait (female gaze? sans doute…) ne prend pas. Les pauvres texans finissent par vider la salle, achevant leur set écourté devant une poignée de fans abasourdis au milieu desquels je m’insurge en compagnie de deux créatures sorties tout droit d’un clip de WASP “Le heavy old-school et les fûtes en cuir vivront !!!”
Messa – Pilgrim – Desertfest Last Day Sunday
Les choses rentrent alors à peu près dans l’ordre grâce à Messa et son doom occulte italien cristallisant les vagues d’affection du public. Il se passe quelque chose de palpable entre Sara la frontwoman et tous ceux voulant bien se laisser envelopper par leurs compositions sophistiquées empreintes d’un glamour typiquement transalpin. Confortablement perchée sur une tablette avec une vue panoramique sur la scène, je vois serpenter en sens inverse la caravane française menée par The Doom Dad. Ce qui signifie que je devrais probablement aller me placer pour Stoned Jesus. Mais que nenni ! Mon séant demeure sur son perchoir et mes oreilles connectées à ces admirables riffs jusqu’à ce que manque de vin s’ensuive.
Stoned Jesus – Here Come The Robots – Desertfest Last Day Sunday
Tiens, je n’ai pas encore utilisé le mot chaton dans ce report ! C’est parce que je le gardais au chaud pour Stoned Jesus, trio ukrainien labellisé stoner mais tellement plus que ça. Il y a du prog, du blues et beaucoup d’amour dans ce groupe. Entre deux morceaux, Igor Sidorenko appelle aux dons pour certaines de ses connaissances en très mauvaise posture avant de replonger dans un set ultra-fluide, le seul du festival (me semble-t-il) à bénéficier d’un rappel.
Trop tôt, il est l’heure d’aller se disjoindre les cervicales devant le dernier show, celui d’Inter Arma. Mais quelle bonne idée de terminer avec ce doom death épais comme du bloody mary, sans fioritures et sans postures. Avec 18 ans d’existence et six albums au compteur, sans compter les EP, splits lives… les virginiens sont loin d’être des lapins de six semaines et maîtrisent le game sans effort, en parfaite osmose avec les (nombreux) survivants dont beaucoup ont les pointes de cheveux qui rasent le carrelage. D’après ce que j’ai lu, plusieurs membres du groupe sont fans de Cormack McCarthy et ça s’entend. Old-school as hell, anti-poseurs, ils clôturent ce dixième Desertfest Anvers avec une classe et une authenticité forçant l’admiration.
Fin des hostilités. Your Highness n’a pas joué Black Fever, Stoned Jesus n’a pas joué Stormy Monday. Mais je suis profondément réjouie par cette exceptionnelle édition. De retour (beaucoup plus tard) dans ma chambrette lugubre, je m’aperçois qu’il me reste quelques jetons. Aucun problème, je serai de retour dans un an !
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