Helvètes et frenchies plient le game
19 novembre 2024 0 Par Sofie Von KelenDesert Fest Day2 – Mon rétro-planning du samedi a pour but d’être front row pour Kara Delik. On ne m’avait pas survendu le truc, c’est juste stupéfiant. Imagine un trio composé d’une batteuse aux beats post punk épurés évoquant Moe Tucker du Velvet Underground, un bassiste d’obédience psychédélique dont les vocaux monocordes s’entremêlent à des lignes de clavier 70’s ainsi qu’un frontman riffant sur son bouzouki, déclamant et shakant son booty (tiens ca rime!) en une sorte de performance burlesque qui déchaîne en 5 minutes l’approbation du public médusé. C’est berlinois, conceptuel sans être prétentieux et crois-moi, ça mérite le détour!
Je les attendais de pied ferme depuis que je les avais vus à l’Arctangent Festival en 2023 dans une tente à l’acoustique médiocre. Birds in Row. Par défaut d’anticipation, je moisis au deuxième rang derrière un type qui heureusement, finit par se lasser de me sentir souffler dans son cou et m’abandonne son spot à la barrière, là où la magie opère. Et elle opère, crois-moi… La part belle est faite à l’album Gris Klein, prodigieuse pépite merveilleusement aboutie à laquelle je ne ferai pas l’insulte d’apposer l’expression concept album tellement ladite galette est plus que cela.
La part belle est faite à l’album Gris Klein, prodigieuse pépite…
Ce qui frappe en outre avec le trio de Laval, c’est leur connexion. Une lueur dans la pupille du batteur et les reprises jaillissent, points culminants d’intenses rollers coasters émotionnels qui t’essorent jusqu’au prochain break. Apparemment, ils étaient légèrement insatisfaits de leur show pour cause de soucis tech, mais le seul mot qui me vient à l’esprit, c’est mindblowing. Il n’y a pas vraiment d’équivalent français et c’est bien dommage, car je pense que c’est un mot que l’on utiliserait tout le temps. À la fin du show, le public se divise en deux catégories : ceux qui ont chouiné et ceux qui ont chouiné, mais refusent de l’admettre…
Après un set aussi bouleversant, difficile d’enchaîner alors, je picore. D’abord un peu de Delving, side projet de Nick DiSalvo dont la moindre tentative de quoi que ce soit s’avère particulièrement brillante. Le résultat est instrumental, progressif et m’évoque parfois Wishbone Ash.
Retour sur la Vulture pour les polonais de Red Scalp, leur stoner psyché un peu tribal, leur son à décorner les buffles et leur… saxophone… C’est donc le 3ᵉ groupe ce week-end à dégainer ce totem du glamour instrumental, j’en ronronnerais presque si je n’avais pas une angine. Enchaînement sur la fin de Seedy Jeezus, exemple typique des gars qui ont une tête à jouer dans Morbid Angel mais qui, au moment de mon incursion, déroulent un instrumental fluide, sexy et psychédélique à la Maggot Brain.
..leur son à décorner les buffles et leur… saxophone…
La nuit finit par tomber, mon système émotionnel par vaguement se remettre du set de Birds in Row et heureusement. Car personne n’est prêt pour ce qui va se passer sur la Vulture Stage, pendant que le commun des barbus headbangue devant Monolord…
Venu tout droit de Tokyo et né sur les cendres du groupe de grindcore No Rest From The Dead, Green Milk From The Planet Orange ne semble pas impacté par les incessants changements d’un line-up cependant stable depuis 2016. Sur scène devant le batteur, deux chaises pliantes en plastique sur lesquelles s’assoient le guitariste et le bassiste. Ça joue précis et très prog, entre envolées de l’école Hawkwind et déstructuration des grooves.
Et juste au moment où l’on se dit que tout ceci est bien sérieux, deux corps androgynes et bien entraînés grimpent sur leurs sièges et entament une violente spirale de trente minutes où le punk, la noise et le kraut rock entrent en collision. Une impitoyable vrille dont chaque rotation culmine vers un niveau supérieur de violence avec une énergie sortie de, je ne sais où. Ont-ils déjà tourné en Europe ? Je ne saurai dire… Est-ce le prochain gros truc ? Peut-être…
…deux chaises pliantes en plastique.. Green Milk From The Planet Orange
Il fallait bien quelque chose comme Coilguns pour clôturer une telle journée… Entre noise et post-hardcore, imaginé par le fondateur de Hummus Records et membre du collectif protéiforme de The Ocean, Jonathan Nido, Coilguns a la capacité de solliciter l’attention et les émotions du public à tel point que celui-ci n’a aucune chance de pouvoir se la jouer. Quelque chose de vrai se passe ici et personne ne peut l’ignorer. Et alors que Louis Jucker arpente la scène en mode marathon et se fend même de quelques cabrioles, il se tisse entre les individus/éléments de cette troublante machine une toile de pure clairvoyance semblant nous dire: “Rien n’est vrai. Tout est possible”
Débrief sur la terrasse. Dernier verre, Dernier verre. Dernier verre. Taxi. Fondu enchaîné sur un dimanche matin plus qu’incertain.
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