More saxophone please!
12 novembre 2024Desertfest Antwerp Jour 1 – Petit paradis des musiques lourdes, le Desertfest est un agrégat de rassemblements d’obédience stoner/doom/sludge à l’origine, puis ouverts peu à peu au death, black, classic heavy et “post un peu tout”. Depuis les toutes premières éditions londoniennes et berlinoises en 2012, le concept a essaimé en Belgique, puis à Athènes (unique essai, au grand désespoir de beaucoup…), à New York depuis 2019 et enfin à Oslo, le petit dernier.
La version anversoise 2024 est l’occasion parfaite pour cette première collaboration avec Warm TV. Elle se déroule au sein du tentaculaire complexe Trix qui compte 3 salles façon Daltons, un hall de merch, un beer garden et une terrasse, et sa programmation est aussi variée que celle de la version britannique. Picon dans la bière, l’unité de lieu y rend les opérations beaucoup moins périlleuses que lorsque tu dois cavaler en long, en large et en travers de Camden.
Contrairement à l’année précédente où je posais mes valises dans un véritable palace Art Nouveau, l’aventure commence en mode ronchon lorsque j’écope d’une piaule maussade en rez-de-chaussée, aussi humide que ta tente au Hellfest 2007 et dont les fenêtres s’ouvrent sur l’une des rues les plus craignos de la ville. Tant pis pour moi, je n’avais qu’à mieux lire les avis clients… Chaque trajet, même en plein jour, m’obligera donc à nouer mon écharpe façon paréo afin de couvrir mes jambes et de ne pas me faire harceler tous les cent mètres.
j’arrive à bon port pour Rezn, l’un des highlights du festival
Je sais bien que tu es là pour lire des reports de concerts et que je ne suis pas là pour militer, il n’empêche que ce report sera teinté d’un regard féminin parce que je suis une femme et que pour nous, ce genre de situation crispante est monnaie courante, surtout lorsque l’on se rend à un show avec un petit look que certains prennent pour une signalétique OPEN BAR.
Bref, j’arrive à bon port et à temps pour Rezn, l’un des highlights du festival. La dénomination « doom psyché » ne rend pas justice à la richesse de ce qui se passe sur scène. Sur des rythmiques aussi audacieuses que le short venant de me poser problème, se contorsionnent des layers de riffs orientalisants. La voix est séduisante, aérienne et légèrement étouffée.
REZN – Collapse (Official Vidéo) – Desertfest Antwerp Jour 1
Ah non, il s’agit d’une erreur de mix qui sera vite corrigée. Dommage, ça apportait un je-ne-sais-quoi… Derrière des machines qu’il pilote à l’aide d’une manette de gaming (là, on passe un gros palier dans la hype), Spencer Ouellette, drapé dans un jersey cross Honda (2e palier), finit par attraper un saxophone pour une avalanche de furieux solos. 3e palier, j’approche dangereusement du mode groupie. Le timbre de Rob MacWilliams me rappelle un autre chanteur sans que je ne parvienne à mettre le doigt dessus, ce qui m’agace prodigieusement. Cela me reviendra dans le train du retour, il s’agit d’Axel Söderberg du groupe suédois Horisont.
Exit la Canyon Stage (la moyenne), hello la Desert Stage (la plus grande) pour une raclée en règle made in Georgia. Black Tusk, c’est un peu du Motörhead version crust. Du crust’n’roll quoi… Niveau occupation de la scène, difficile de faire mieux, le tout dans un déluge de tubes à la « Dance on Your Grave« .
Black Tusk – Dance on Your Grave
Au fond, sur un backdrop projeté, une icône blonde virginale et voilée nous contemple sereinement sous une pluie d’éclats de verre plus ou moins sanglants, façon héroïne gore du mangaka Junji Ito. Le show est groovy as fuck mais toujours très politique. En même temps, quand tu viens d’un État sudiste…
Découverte ensuite avec Child et son revival 70’s très chaleureux, extrêmement bien foutu. Leur tendance à partir en jam blues fait regretter l’absence d’une 2e guitare et ainsi la possibilité d’un jeu de questions/réponses. On est clairement plus dans l’hommage que l’avant-garde, mais bordel que c’est bon !
Child – Blueside Of The Collar
Allez savoir pourquoi, je les pensais chiliens, ils sont en fait australiens. Dommage, j’avais pris exprès un mojito saturé de glace et dépourvu de paille que je sirote en grimaçant discrètement. Some you win, some you have mal aux dents…
Five The Hierophant – Desertfest Antwerp Jour 1
Tiens, en parlant d’avant-garde, j’ai décidé de sécher Russian Circles (ne pleure pas, ils jouent à Paris dans quelques jours et je suis certaine que quelqu’un en dira un mot) pour aller m’encanailler sur la minuscule Vulture Stage devant les Londoniens de Five The Hierophant (en référence au Pape, la 5e arcane du tarot).
L’ouverture solennelle place le saxophone de John Roffey entre deux espèces de cors rectilignes, le tout sous d’épais nuages d’encens (mais pas celui des raves trance, celui des basiliques où tu t’es bien gelé le cul tous les dimanches matin de ton enfance dans ta jupe en velours…). Et c’est parti pour cinquante stupéfiantes minutes de post-black fricotant avec le free jazz. Je me suis battue pour être au premier rang, mais une incursion dissidente vers le bar m’apprendra que finalement, le son est bien meilleur au fond de la salle.
Je finis par craquer et aller voir les dix dernières (impeccables) minutes de Russian Circles avant d’échouer au premier étage devant Raging Speedhorn qui peut difficilement être plus à l’opposé sur le spectre de l’atmosphère. Leur bon gros sludge dont l’ADN doit davantage au hardcore qu’au doom, achève de me liquéfier. Dernier verre. Écharpe autour de la taille. Retour. Fondu au noir.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.