[LIVE REPORT] Alfonce / Ludwig von 88
5 décembre 2019Intro : 25 Octobre 2019. Ce soir, l’espace culturel Château rouge situé à Annemasse nous ouvre ses portes. Le pilier de l’art du spectacle de la région franco-suisse, donne nous rendez-vous pour une soirée rock qui promet d’être mémorable.
Alfonce se forme en 2015. Originaire du Bourgogne Sud et de Rhône-Alpes le groupe est composé de Florian Girard au chant à la guitare et au synthétiseur, Zoubab à la basse, Amador Miranda Hernandez à la batterie et Guiloud Chereze à la deuxième guitare. Les trois derniers assurent également les cœurs. Leur devise ? « On en a rien à foutre ! »
Jack Gabriel
Mais sous cet hymne je m’en-foutiste, le groupe est en réalité plus militant qu’il n’en a l’air. Ils chantent en français et ont sorti un album à ce jour.
Arrivé sur place, force est de constater que la salle est déjà bien remplie pour une première partie locale. Il faut dire que les températures dehors se sont ( enfin ! ) bien refroidi depuis l’été caniculaire, et c’est aussi le meilleur moyen de s’assurer une bonne place en prévision de la deuxième partie.
Difficile de ne pas remarquer l’invasion de peluches et de fausses fleurs sur la scène. Le ton serait t’ il donné ? Que le concert commence !
Dès les premières notes, Alfonce se pare d’un jeu puissant. Comme beaucoup de groupes actuels, la formation double guitariste + un bassiste a été préféré ici. Le deuxième guitariste habillé en kigurumi ( un genre de grenouillère pyjama tout mignon pour adulte ) tranche radicalement avec le reste du groupe. Il semble opérer davantage dans la fonction rythmique à l’instar de son collège bassiste. Si l’ensemble est cohérent et plutôt bien mené, les passages au synthétiseur apportent un petit plus qui démarque sur le reste des instruments.
D’ailleurs on se rend compte que les deux guitares ne sont pas forcément indispensables étant donné que le rôle rythmique est déjà très bien assuré par un batteur concentré et précis, et un bassiste assuré et sympathique dont les mimiques assurent un contact chaleureux avec le public. Miser davantage sur la touche électro-rock amené par le synthétiseur pourrait être une très bonne idée car il est au final peu exploité pour le moment.
Et parce qu’il est toujours plaisant de le souligner dans un milieu où l’anglais est généralement majoritaire, avoir un groupe de rock qui chante en français est jouissif et permet de rendre les textes accessibles aux personnes allergiques à la langue de Shakespeare. Certes, il ne suffit pas toujours de comprendre les paroles pour apprécier une musique, mais cela permet avant tout d’apporter une richesse musicale différente et il faut saluer cette prise de risque qui est toujours un frein pour espérer pouvoir être reconnu un jour de manière international.
Le chant parlons en, il s’inscrit parfaitement dans cette veine de rock français, mais s’il fallait chipoter peut-être un tout petit peu, il faudrait qu’elle se lâche un plus sur scène. Avec cette voix on aimerait entendre davantage des cris de rage et du cœur accompagner tout ce bel ensemble.
Quoi qu’il en soi Alfonce reste une très belle découverte live avec un avenir prometteur. Le groupe à su tenir la salle en haleine et il faut dire le public semble avoir été réceptif à leur univers. Avec de l’acharnement et de la persévérance, il n’y a aucune raison pour qu’ils ne puissent pas eux aussi se faire une place dans le paysage musical. Ce ne sont pas des amateurs et cela s’en ressent dans le jeu, nous leur souhaitons bonne chance et surtout de ne rien lâcher.
Ludwig von 88 :
Groupe emblématique de la scène punk-rock alternative française, les Ludwig se forment en 1983 avant de se séparer en 2001. Qu’à cela ne tienne, ils reviennent d’outre-tombe en 2016 avec un retour marqué au Hellfest. Si l’humour est leur fond de commerce, ils n’en restent pas moins engagés, en défendant avec ferveur leurs convictions avec des textes corrosifs et provocateurs. Ils font partie des groupes de l’époque qui n’ont jamais eu de batteur mais seulement une boîte à rythmes.
La formation est composée de Karim Berrouka au chant, Nobru à la guitare ( également connu pour le groupe Sergent Garcia ) , Charlu à la basse, et Jean-Mi ( qui officiait aussi chez Bérurier Noir ) aux boîtes à rythmes. Le groupe chante en français et ils ont sorti onze albums depuis leurs débuts, dont 20 chansons optimistes pour en finir avec le futur fraîchement paru en 2019, soit dix-huit ans après La révolution n’est pas un diner de gala.
La reformation d’un groupe connu provoque en général trois réactions. Il y’ a ceux qui se réjouissent d’avoir enfin l’opportunité après x années de (re)découvrir sur scène. Ceux qui s’en moquent allègrement, et la catégorie sceptique qui se demande bien pourquoi ces gens la reviennent, et surtout, qu’est-ce que ça vaut depuis le temps ?
Mais, pas le temps de niaiser, le concert commence avec un tout nouveau morceau J’ai gobé du lsd. Assez rapidement, on se rend compte que la sauce prend toujours aussi bien et les premiers doutes se dissipent. Les riffs simple et accrocheur de la guitare de Nobru font toujours le même effet. Accompagné par la basse puissante et déjanté de Charlu. Saupoudré d’un chanteur charismatique et toujours prêt à se payer une tranche de rire. Le tout nappé d’une gestuelle et une énergie toujours aussi festive. Et pour quiconque n’est pas allergique à la boîte à rythmes, celle-ci apporte une patte indéniablement particulière étant donné que la plupart des groupes de rock actuel préfèrent la batterie. Un petit côté old school en quelque sorte. Mais les Ludwig ne seraient pas les Ludwig sans ça. C’est un plus qui les démarque de beaucoup d’autres, cela fait tout simplement partie de leur identité musicale.
Le public se lance dans des pogos guerriers quasi sans répit pour le plus grand malheur des photographes et des personnes voulant profiter calmement du concert. Mais que serait un concert alternatif sans ses débandades fraternelles ?
Le look associé aux idées, les Ludwig se lâchent sur scène à coup de confettis gigantesques, ballons géants et effets pyrotechniques et lumières épileptiques pour nous servir un show inoubliable.
Certains titres emblématiques seront de la partie. Sur la vie d’mon père et Louison Bobet feront un petit come-back très plaisant de manière inter-générationnel. C’est le carton plein. La convivialité est de mise, et être ainsi capable de réunir un public de tous les âges et de tous les genres forgent le respect. Tout les groupes n’y sont pas capables. Surtout après tant d’années de séparation.
Mais, depuis ses quinze ans d’absence le groupe n’a pas chômé et va aussi servir sur un plateau d’autres de ses dernières compositions telles que Jean-Pierre Ramone hommage au titre Blitzkrieg Bop des Ramones, Disco Pogo Nights ode à la musique disco mais toujours avec sa touche rock alternative made in Ludwig, à base de YMCA et anarchie endiablée. Ses nouveaux titres les ancrent définitivement dans le temps présent. Ils ne se contentent pas de revenir en surfant sur leur succès passé, en se prenant pour les jeunes qu’ils ne sont plus, mais font évoluer leurs idées et leur musique avec eux. Au final, le plaisir est presque plus intense sur la découverte du dernier album. Derrière cette façade de farce ubuesque, les textes sont toujours aussi engagé et mordant face au constat de la société en 2019. Comme un coup de pied au cul des vieux de la veille, pour rappeler aux jeunes qu’il ne faut jamais rien lâcher.
Au final, le pari est réussi pour Ludwig von 88 ,et si la réceptivité de leur univers déjanté sera à l’appréciation de chacun, il est évident qu’ils méritent toujours que l’on se donne la peine de bouger pour aller les voir. L’humour n’a pas pris une ride et bien que de nos jours les débats sur ce dont il est acceptable de rire ou non font rage, ils s’inscrivent comme un vestige surpuissant de cet humour 80’s . Et c’est sur les dernières notes de Houlala que le concert prend fin.
Bilan : On en ressort éreinté mais, pour notre plus grand bonheur. Avec une première partie très sympathique et un deuxième groupe mythique qui à su mettre ( littéralement ) le feu à la salle, la soirée ne pouvait qu’être parfaite. On remercie grandement Château rouge pour l’accueil, ainsi que tout le travail effectué en amont pour rendre la culture la plus accessible possible dans une ville ou la loi du pognon est particulièrement forte de par sa proximité frontalière avec la Suisse, et ne permet pas à tout le monde de pouvoir profiter des événements locaux. Un grand merci aux groupes pour l’ambiance, la convivialité, mais aussi au public sans qui les concerts n’existeraient pas.
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