
Desertfest London Day 3, Grandeur et chute de Kentish Town
25 juillet 2025 0 Par Sofie Von KelenDimanche at the crack of noon, fabuleuse expression parfaitement intraduisible.
Ca commence à tirer dans les pattes, surtout que pour ma part, cette édition s’enchaîne à l’Anthems of Steel, petit festival près de Poitiers dédié au heavy et à l’extrême en passe de devenir mon événement français favori.
Alors que je galope le long de Kentish Town Road afin d’être bien placée pour le show de Bobby Dazzle, je remarque que ce quartier au Nord de Camden que j’affectionne tout particulièrement et où je loge si possible tous les ans a pris du plomb dans l’aile. Ancien coin plutôt populaire en voie de gentrification depuis une dizaine d’année à coup de coffee shops bios, de tattoo/barber shops et autres bars à kombucha, Kentish Town n’est plus qu’une croisée de rues désolées alternant commerces fermés et charity shops devant lesquels des groupes de SDF patientent au milieu de poubelles visiblement oubliées des services collectifs.
Je prends un coup au moral assorti d’une vague amère de culpabilité et médite sur le destin probable de cette ville que j’idôlatre, le temps d’arriver devant le World Ends. Il y a d’ailleurs des coïncidences que l’on préférerait ne pas relever…
Bobby “so glam” Dazzle
A peine engouffrée dans les profondeurs de ce pub abritant en son sous-sol l’Underworld, l’énergie me revient à la vue du Bobbie Dazzle Band installant son matériel. Dix minutes plus tard, la fosse entière a des paillettes dans les yeux. Dédiée au glam dans sa version la plus old-school c’est à dire celle de Marc Bolan et autres Bryan Ferry, Siân Greenway alias Bobbie Dazzle, sanglée dans une combi shiny imprimée python, s’entoure d’un groupe de très haute volée et tout particulièrement un bassiste qui n’aurait pas dénoté aux côtés d’Albert King.

Très showwoman mais également très connectée au public, elle s’impose comme une sorte de pendant féminin de Gyasi. Certains reconnaîtront l’ex-frontwoman du groupe de doom Alunah qui, suite à l’expérience tragique que fut la perte de sa soeur, eut besoin de créer une musique “brillante, colorée et joyeuse” mais sans pour autant en faire quelque chose de sérieux ni de durable.
Deux ans plus tard, le Bobbie Dazzle Band s’apprête à ouvrir pour Electric Light Orchestra ou encore Alice Cooper. Certains projets sont bénis par les divinités du glitter et à cet instant, nous aussi. Gros coup de coeur !
Intermède transalpin
Vais-je tenter une incursion à l’Electric Ballroom pour écouter le projet un peu WTF d’Isaiah Mitchelle (Earthless), sorte de concert/méditation guidée rendant hommage à la pratique tibétaine de pleine conscience Chöd ou vais-je me poser dans mon deli italien favori devant une burrata, un verre de Montepulciano et la biographie de Charlie Watts ? Well… andiamo ! Après tout, il faut bien nourrir le corps qui contrairement à l’esprit, ne peut survivre uniquement de délicieux morceaux de glam rock
Dunbarrow, rend les pattes d’eph !!
Retour sous terre pour Dunbarrow, rétro heavy à la mode scandinave dans l’esprit de Witchcraft. C’est norvégien, ça joue en conséquence et ça chante vraiment très très bien. Dommage que leurs looks ne soient plus aussi sophistiqués que ceux de leurs aînés, une grande partie du charme des shows tenait à cette immersion vintage mais rien à dire sur la musique cependant.

Là, je commet l’erreur de passer vite fait voir des amis dans un pub voisin. A mon retour, le club est bondé et une file d’attente aussi longue que les dreadlocks de la guitariste d’OvO serpente le long du bâtiment, même pour la presse. Tant pis pour le show de Rickshaw Billie’s Burger Patrol et tant mieux pour eux, il faut croire que leur popularité est directement proportionnelle au grand n’importe quoi des titres de leurs morceaux (Burger Babes From Outer Space, Peanut Butter Snack Sticks..).
Slift donc ce sera et le balcon de la Ballroom offre de nouvelles possibilités en matière d’appréciation du light show live constituant l’une des caractéristique du groupe. La fosse est un cauchemar de neuroatypique, compactée comme une meute de supporters et pogotant à chaque pic rythmique (vous me direz, ils trouvaient bien le moyen de pogoter sur Elder…). J’ai l’impression que ça joue de plus en plus serré, en même temps ils tournent beaucoup donc rien d’étonnant à cela.

Non ce n’est pas Manowar, c’est Castlerat
Underworld saison 12 épisode 42 avec Castlerat menaçant de faire exploser le pauvre petit club. Ce coup-ci je parviens à me faufiler aux abords de la scène d’où, sur la pointe de pieds, entre un rideau et un poteau, j’obtiens une vue inconfortable mais imprenable sur la mise en scène grand guignolesque avec fausses flammes et costumes dignes du nanar Zardoz.
J’adore! Les parties de guitare sont excellentes et il fait à peu près 42 degrés avec un taux d’humidité de 98%. J’ai hâte de les revoir au Hellfest ; cette fois-ci en plein air et sans suffoquer comme un poisson léopard hors de l’eau…

Calligram, sors de ma tête!
Pas le moment de se ramollir, un shot de jagger (servi-à-moins-dix-huit-degrés-s’il-vous-plaît) plus tard, il est l’heure de faire un saut devant Calligram au Black Heart et son blackened post-hardcore très émotif et introspectif. Beaucoup plus introspectif que ce à quoi je m’attendais d’ailleurs et même si le niveau et la profondeur sont indéniables, c’est loin d’être ce dont j’ai besoin à cet instant. Si j’avais voulu un truc atmosphérique me poussant à remettre en question mon bilan carbone, je serai devant Earth à la Ballroom et là maintenant tout de suite, j’ai envie que ça bouge!
The Hazy Tones final show
Oh mais ça tombe bien, il y a du garage au Dev ! J’aurai d’ailleurs pu louper ce show si la veille je n’étais pas tombée sur le guitariste John à l’after, sorte de photocopie de JJ Cale avec qui j’ai bu quelques coup et appris l’existence de ce groupe franco-canadien dont les lives valent apparemment le détour. Et l’on ne m’avait pas survendu le truc, croyez-moi…
Avec un frontman mi-Ozzy mi-Eddie Vedder en 92, lorsqu’il se suspendait aux poutrelles de la scène du Pinkpop, The Hazytones retournent littéralement le Dev. Je surprends même une lueur d’amusement dans les yeux de l’équipe qui a pourtant déjà vu n’importe qui faire n’importe quoi…
Ce sera malheureusement leur ultime performance… Deux jours plus tard, en France, le leader jette l’éponge dans une ultime tentative pour sauver sa santé physique et mentale au terme d’une tournée épique et marquée par les saccages de chambres d’hôtel et autres traditionnels excès. Je pourrai dire “J’y étais!”.
Foxy lady
Plus d’afterparty du dimanche au Black Heart mais Electric Funeral à l’Underworld, allstar cover band de Sabbath qui aurait pu éventuellement matcher en guise de clôture si la setlist s’était concentrée sur les morceaux qui remuent un peu. A ce stade des choses, on a besoin de groove et de légèreté, pas des compos les plus neurasthéniques de la bande à Iommi…
Desertfest London Day 3
Et histoire d’en remettre une couche, le bar plie les gaules avant la fin du concert, abandonnant tout le monde sur le carreau, en manque de derniers godets et de fiévreux débriefs. Notre QG en bord de canal nous sauve une fois de plus la mise malgré un DJ set pas dingue. Là, en l’espace de trente minutes, deux personnes qui n’ont absolument rien à voir l’une avec l’autre me vanteront les mérites d’un festival dans les montagnes suisses où tu doit crapahuter le long des pentes avec ton barda pour atteindre le lieu des concerts.

C’est alors je m’en retourne à mes pénates en méditant sur cette éventualité, qu’opère enfin la magie de Camden. Elle est là, souple et légère dans sa robe orange brûlé. Gracieuse bien que présentement en train de fouiller les ordures. La petite renarde que j’attendais de rencontrer depuis mon arrivée. J’aime à croire que les nombreux canidés de la famille spécifique des vulpes que je croise invariablement dès que je mets un pied au-delà du canal font tous partie d’une belle et grande famille. L’espoir fait vivre, la musique aussi…
A bientôt !
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.